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Orthodontie pré-chirurgicale et chirurgie orthognathique : justification, indications et protocoles
Dans un monde où les soins dentaires sont devenus aussi peu invasifs que possible et où le dentiste essaie de « toucher » le moins possible le patient, la chirurgie orthognathique et l’orthodontie pré- ou post-chirurgicale peuvent sembler des sujets désuets.
Cependant, il existe tout un éventail d’indications pour ces traitements lorsque les problèmes orthodontiques sont dus à des déformations squelettiques majeures qui nécessitent une chirurgie.
Chirurgie maxillaire : des origines à l’approche moderne
La chirurgie orthognathique a vu le jour il y a une centaine d’années, mais il faudra attendre 1957 avec l’ostéotomie sagittale d’Obwegeser pour que la chirurgie moderne aborde les déformations squelettiques maxillo-faciales. (1)
L’approche consiste à rétracter ou à avancer la mâchoire inférieure, permettant un bon contrôle de la position condylienne.
Dans les années 1970, la chirurgie maxillaire se développe davantage grâce aux études de Le Fort. Les lignes d’ostéotomie les plus favorables à la mobilisation chirurgicale du maxillaire supérieur commencent alors à être théorisées. (2)
Grâce à ces méthodes chirurgicales, il est possible de soulever le maxillaire et de permettre l’autorotation mandibulaire, corrigeant ainsi les béances dentaires et les hyperdivergences squelettiques.
Transversalement, le maxillaire peut être segmenté et élargi par chirurgie par extension palatine rapide. (3-4)
Orthodontie traditionnelle et pré-chirurgicale : une distinction importante
Le premier point à clarifier est que l’orthodontie traditionnelle et l’orthodontie pré-chirurgicale ont souvent des objectifs totalement divergents. (5)
Le camouflage exclusivement orthodontique repose en effet sur des techniques, des mécaniques et des choix d’extraction totalement différents et souvent opposés à ceux qui seraient mis en œuvre si le patient avait été considéré comme un cas orthognathique indiqué pour la chirurgie maxillo-faciale.
La justification de la chirurgie orthognathique
Quelle sont les indications de la chirurgie orthognatique à ce jour ?
Les aspects esthétiques, fonctionnels, de stabilité de durée du traitement font de la chirurgie un traitement électif. (6)
Esthétique
La chirurgie orthognatique doit être envisagée chaque fois qu’un alignement satisfaisant des arcades dentaires entraîne une dégradation marquée de l’esthétique faciale globale. Par exemple, rétracter le groupe frontal maxillaire pour réduire l’overjet dans le cas d’une rétrusion mandibulaire conduit inévitablement à l’obtention d’un profil birétrusif inesthétique. (7)
Fonction
Si un problème fonctionnel ne peut être résolu par un traitement purement orthodontique en raison d’un problème squelettique sous-jacent, l’option chirurgicale doit être envisagée. Pensez par exemple à une occlusion croisée unilatérale causée par une asymétrie du squelette mandibulaire.
Stabilité
Certains problèmes orthodontiques dus au squelette, comme un béance dentaire dans un contexte d’hyperdivergence squelettique, ne peuvent pas être résolus uniquement par l’orthodontie, qui à terme risquerait de ne pas apporter de stabilité à la résolution de la malocclusion.
Durée de traitement
Dans les cas franchement chirurgicaux, un traitement combiné chirurgie-orthodontie est plus rapide que la réalisation d’un camouflage exclusivement orthodontique. (5)
Objectifs et techniques du traitement orthodontique
Le traitement orthodontique doit viser à préparer les arcades à ce qui sera leur déplacement chirurgical à venir une fois qu’elles seront complètement mobilisées.
Pour cela, il est plus important de travailler au niveau de chaque arcade plutôt que d’impliquer les deux arcades en occlusion ; la résolution complète de l’encombrement, la prise en charge orthodontique de la courbe de Spee et de la transversalité sont des étapes clés pour une bonne orthodontie pré-chirurgicale.
Souvent, lors de l’orthodontie pré-chirurgicale, on ne fait que décompenser un motif occlusal qui était déjà compensé et qui cachait la gravité réelle de la malocclusion au niveau squelettique. Dans les troisièmes classes squelettiques, par exemple, on observe souvent des incisives supérieures inclinées vers le vestibule et des incisives inférieures inclinées vers la langue ; ce scénario clinique est une compensation occlusale typique d’une malocclusion squelettique ; l’objectif de l’orthodontie est de décompenser totalement ce schéma en vue d’une chirurgie qui sera en mesure de repositionner les bases osseuses.
Dans la planification orthognathique, il est fondamental de décider à l’avance où et comment positionner les dents au niveau antéropostérieur, vertical et transversal. En pratique, les incisives représentent le véritable guide de positionnement antéropostérieur pour le chirurgien.
Il est également inutile de perdre un temps précieux à essayer d’obtenir un alignement et une esthétique parfaits lors de la phase orthodontique pré-chirurgicale. Ce n’est qu’après l’intervention chirurgicale, lorsque l’occlusion sera corrigée, qu’il sera judicieux de se concentrer sur la finition orthodontique et les détails esthétiques finaux. (8)
Empreintes, modèles et enregistrements pré-chirurgicaux
Une fois l’objectif orthodontique pré-chirurgical atteint, les empreintes sont enregistrées et les modèles d’étude sont créés.
Un arc de stabilisation de pleine épaisseur est laissé en place pendant au moins 3 à 4 semaines afin de passiver les arcades.
Des enregistrements pré-chirurgicaux sont réalisés :
- Orthopanoramique ;
- Téléradiographie latéro-latérale ;
- Modèles d’étude ;
- Photographies intra- et extra-orales.
De plus, une radiographie postéro-antérieure du crâne est souvent réalisée, notamment en cas d’asymétries.
Avec ces enregistrements, le chirurgien a la possibilité d’étudier l’intervention qu’il devra réaliser, de vérifier l’harmonie des arcades une fois repositionnées, de décider où réaliser les lignes d’ostéotomie, de choisir comment segmenter le maxillaire et de combien de millimètres, par exemple, la mâchoire inférieure sera avancée.
Phase post-opératoire et considérations finales
Après l’opération, assortie d’une phase de fixation élastique et d’un régime alimentaire liquide, la fonction est progressivement rétablie ; puis, au bout de 6 à 8 semaines, le/la patient(e) est à nouveau capable de mâcher à pleine capacité.
L’orthodontie post-chirurgicale a pour tâche d’affiner et de détailler esthétiquement le cas et ne devrait pas durer plus de 4 à 6 mois.
Bibliographie
- Trauner R, Obwegeser H. The surgical correction of mandibular prognathism and retrognathia with consideration of genioplasty. I. Surgical procedures to correct mandibular prognathism and reshaping of the chin. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1957;10:677–689.
- LeFort R. Etude experimentale sur les fractures de la machoire superieure. Revue Chirurgicale 1901;23:8.
- Bailey LJ, White RP, Proffit WR, Turvey TA. Segmental LeFort I osteotomy for management of transverse maxillary deficiency. J Oral Maxillofac Surg 1997;55:728–731.
- Silverstein K, Quinn PD. Surgically assisted rapid palatal expansion for management of transverse maxillary deficiency. J Oral Maxillofac Surg 1997;55:725–727.
- Sabri, R. (2006). Orthodontic objectives in orthognathic surgery: state of the art today. World journal of orthodontics, 7(2).
- Sinclair PM. Orthodontic considerations in adult surgical orthodontic cases. Dent Clin North Am 1988;32:509–528.
- Ackerman JL, Proffit WR. Soft tissue limitations in orthodontics: Treatment planning guidelines. Angle Orthod 1997;67:327–336.
- Woods MG, Wiesenfeld D. A practical approach to presurgical orthodontic preparation. J Clin Orthod 1998;32:350–358.
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