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Juin

Flux de travail numérique en dentisterie : systèmes ouverts vs systèmes fermés

Ces dernières années, la dentisterie a connu une transformation radicale grâce à l’introduction des technologies numériques (1). Ces dernières se sont généralisées aussi bien dans les cabinets dentaires, avec l’adoption de scanners intraoraux (1), que chez les prothésistes dentaires, grâce à l’utilisation de systèmes de conception CAO (Conception Assistée par Ordinateur) (2) et de production numérique FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur), à l’aide de technologies à la fois soustractives et additives (3).

Les phases du flux de travail numérique en dentisterie

Aujourd’hui, pour de nombreux types de restauration, il est possible de suivre un flux de travail entièrement numérisé, dit « full-digital », qui permet de réaliser les prothèses sans avoir à créer un modèle physique, en partant exclusivement du scan intra-oral (4).

Que le flux de travail soit partiellement ou totalement numérique, les phases fondamentales pour la création d’une prothèse restent trois (2,5,6) :

  1. Acquisition numérique de données cliniques, par numérisation intra-orale directe ou numérisation extra-orale du matériau d’empreinte, ou du modèle en plâtre obtenu à partir de cette dernière.
  2. Conception virtuelle (CAO) ou modèle en cire numérique de restaurations, à partir du modèle numérique du patient.
  3. Fabrication assistée par ordinateur (FAO) de dispositifs prothétiques, c’est-à-dire la création de la restauration à partir de la conception numérique développée en phase CAO, en passant par le fraisage ou l’impression 3D (7).

Il est important de noter que chacune de ces étapes peut être réalisée avec du matériel et des logiciels différents. C’est ici qu’apparaît la distinction entre systèmes fermés et systèmes ouverts.

Systèmes fermés et ouverts dans le flux de travail numérique en dentisterie

Un système fermé est un « écosystème technologique » dans lequel les scanners (intra-oraux ou extra-oraux), les logiciels de CAO et les machines de FAO sont conçus pour fonctionner exclusivement en combinaison les uns avec les autres. Si le flux de travail ne permet en aucune façon de quitter le système pour utiliser des logiciels ou des périphériques externes, il s’agit d’un système complètement fermé.

Si, en revanche, il est possible, dans certaines phases, par exemple entre la CAO et la FAO ou entre l’acquisition de données et la conception CAO – de s’interfacer avec un logiciel externe, il s’agit d’un système partiellement fermé ou semi-ouvert.

À l’inverse, un système ouvert permet l’interopérabilité entre les appareils et les logiciels de différents fabricants. Par exemple, un scanner intra-oral capable d’envoyer ses données au logiciel de CAO d’une autre entreprise, permettant ainsi d’exporter des fichiers vers un laboratoire doté de différents systèmes de FAO.

La capacité d’un appareil ou d’un logiciel à communiquer avec différents logiciels dépend de la capacité à exporter les fichiers 3D de travail sous des formats standards (tels que STL – standard tesselation language – ou PLY – Polygon File Format). Cette étape peut être autorisée, mais en même temps elle peut conduire à une reconstruction 3D différente en raison des différents algorithmes avec lesquels le logiciel structure l’image (8,9).

Caractéristiques et avantages des systèmes fermés

Certes, les systèmes fermés offrent une compatibilité garantie, dans le sens où chaque composant est conçu pour fonctionner avec les autres, réduisant ainsi les problèmes techniques au minimum (10). Ils offrent des interfaces utilisateur simplifiées, une courbe d’apprentissage plus facile et un support technique centralisé qui est souvent plus efficace pour résoudre les problèmes.

D’autre part, de tels systèmes limitent fortement l’intégration avec des appareils et des logiciels tiers, réduisant par exemple les possibilités de produire des restaurations en utilisant des technologies différentes. Ils offrent également moins de flexibilité de conception : les cliniciens et les techniciens sont limités aux outils, bibliothèques numériques et composants déjà intégrés au système, et ont des possibilités de modification et de personnalisation plus limitées (11).

Caractéristiques et avantages des systèmes ouverts

Les systèmes ouverts, en revanche, offrent une plus grande flexibilité et une plus grande personnalisation, permettant de sélectionner les composants de flux de travail qui correspondent le mieux aux besoins cliniques et de laboratoire. Ces systèmes peuvent être composés et mis en œuvre progressivement, permettant l’achat d’appareils uniques compatibles – souvent moins chers – qui peuvent être mis à niveau au fil du temps.

Cependant, même avec des formats standards tels que STL ou PLY, des erreurs peuvent survenir lors de l’importation ou de l’exportation des fichiers entre des logiciels différents (8,9). De plus, par exemple, avec le format STL, vous risquez de perdre des informations telles que la couleur ou la texture de surface du scan d’origine (5,12).

En cas de problèmes techniques, il est souvent plus difficile d’identifier la cause ou la personne responsable dans les systèmes ouverts, car le flux de travail implique plusieurs logiciels et matériels. Cela conduit également à une plus grande complexité de gestion : une connaissance approfondie des logiciels et protocoles individuels appliqués est nécessaire pour garantir l’efficacité de l’ensemble du processus.

Comment choisir le flux de travail numérique en dentisterie ?

Actuellement, la très grande majorité des systèmes numériques en dentisterie sont des systèmes ouverts, qui permettent aux utilisateurs d’exporter les fichiers au format STL et de les importer dans d’autres logiciels à n’importe quelle étape du flux de travail.

Cependant, le choix de travailler en système ouvert ou fermé dépend de plusieurs facteurs tels que le type de restauration à réaliser, les compétences numériques, la relation avec le laboratoire dentaire ou la possibilité de travailler au fauteuil, ainsi que le budget. Par exemple, un petit cabinet dentaire qui souhaite proposer des solutions au fauteuil à ses patients pourrait bénéficier d’un système fermé. À l’inverse, un cabinet déjà numérisé ou équipé d’un laboratoire interne, pourrait privilégier un système ouvert pour profiter pleinement de l’interopérabilité des appareils.

Le type de réhabilitation a également une influence. Dans les réhabilitations implantaires complexes ou dans l’arcade complète – où l’intégration de données hétérogènes est nécessaire, telles que les DICOM de la CBCT, les STL des scans intra-oraux et/ou faciaux et les XML des mouvements mandibulaires – les systèmes ouverts garantissent une flexibilité supérieure, améliorant la précision du résultat final.

En conclusion, le choix entre un système ouvert et un système fermé n’a pas de réponse unique : Cela dépend de variables cliniques, économiques et de gestion. Il est essentiel de connaître les avantages et les limites de chaque option, afin d’adopter une stratégie numérique cohérente avec les besoins professionnels et la qualité des soins offerts aux patients.


Bibliographie :

1.         Revilla-Leon M, Frazier K, da Costa JB, Kumar P, Duong ML, Khajotia S, et al. Intraoral scanners: An American Dental Association Clinical Evaluators Panel survey. J Am Dent Assoc. 2021 Aug 1;152(8):669-670.e2.

2.         Alghazzawi TF. Advancements in CAD/CAM technology: Options for practical implementation. J Prosthodont Res. 2016 Apr;60(2):72–84.

3.         Masri G, Mortada R, Ounsi H, Alharbi N, Boulos P, Salameh Z. Adaptation of Complete Denture Base Fabricated by Conventional, Milling, and 3-D Printing Techniques: An In Vitro Study. J Contemp Dent Pract. 2020 Apr 1;21(4):367–71.

4.         Piscopo M, Grande F, Catapano S. Full Digital Workflow for Prosthetic Full-Arch Immediate Loading Rehabilitation Using OT-Bridge System: A Case Report. Prosthesis. 2022 Jun;4(2):213–23.

5.         Masri R, Driscoll C. Odontoiatria digitale: Presupposti teorici e applicazioni cliniche. Edra; 2017. 610 p.

6.         Grande F, Pavone L, Molinelli F, Mussano F, Srinivasan M, Catapano S. CAD-CAM complete digital dentures: An improved clinical and laboratory workflow. J Prosthet Dent. 2024 Dec 28;S0022-3913(24)00821-7.

7.         Grande F, Tesini F, Pozzan MC, Zamperoli EM, Carossa M, Catapano S. Comparison of the Accuracy between Denture Bases Produced by Subtractive and Additive Manufacturing Methods: A Pilot Study. Prosthesis. 2022 Mar 28;4(2):151–9.

8.         Erozan Ç, Ozan O. Evaluation of the Precision of Different Intraoral Scanner-Computer Aided Design (CAD) Software Combinations in Digital Dentistry. Med Sci Monit. 2020 Jan 3;26:e918529.

9.         Song YL, Li J, Yin L, Huang T, Gao P. The feature-based posterior crown design in a dental CAD/CAM system. Int J Adv Manuf Technol. 2007 Jan 29;31(11–12):1058–65.

10.       Grünheid T, McCarthy SD, Larson BE. Clinical use of a direct chairside oral scanner: an assessment of accuracy, time, and patient acceptance. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2014 Nov;146(5):673–82.

11.       Tapie L, Lebon N, Mawussi B, Fron-Chabouis H, Duret F, Attal JP. Understanding dental CAD/CAM for restorations–accuracy from a mechanical engineering viewpoint. Int J Comput Dent. 2015;18(4):343–67.

12.       Haddadi Y, Bahrami G, Isidor F. Effect of Software Version on the Accuracy of an Intraoral Scanning Device. Int J Prosthodont. 2018 Aug;31(4):375–6.


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