Les prothèses amovibles complètes constituent une solution thérapeutique extrêmement complexe et unique en raison des différences anatomiques et fonctionnelles entre les patients totalement édentés (1–3). C’est pourquoi ce type de réhabilitation représente toujours un grand défi, tant pour le praticien que pour le prothésiste dentaire (4,5).
La compréhension et la capacité de dialogue avec le patient sont des critères essentiels à la réussite (2)du travail de l’équipe, mais la relation entre le praticien et le prothésiste, la façon dont ils échangent et communiquent, est également cruciale pour fabriquer une prothèse avec laquelle le patient se sentira à l’aise (4,6).
Comme nous l’avons déjà expliqué dans l’article « Procédures cliniques pour la fabrication de prothèses amovibles », la technique linéaire conventionnelle (7)comprend neuf étapes au total (5 cliniques et 4 techniques) :
- première visite du patient édenté et empreinte préliminaire en alginate des arcades ;
- développement des modèles préliminaires en plâtre et construction des porte-empreintes individuels ;
- empreintes secondaires fonctionnelles ;
- développement des modèles-master et construction de la plaque de base d’enregistrement des bourrelets d’occlusion ;
- enregistrement de l’occlusion verticale et centrale ;
- montage sur articulateur des modèles avec les bourrelets, choix et montage des éléments frontaux et diatoriques ;
- essai esthétique, phonétique, fonctionnel et accord du patient ;
- finalisation de la prothèse en laboratoire ;
- livraison de la prothèse au patient après contrôle de l’adaptation aux tissus.
Modèles primaires en plâtre et porte-empreintes individuels
La première phase du travail du prothésiste dentaire consiste à fabriquer des modèles primaires en plâtre et à construire les porte-empreintes individuels.
Les empreintes primaires sont ensuite coulées en alginate avec un plâtre de type 3, les modèles sont équarris, finis et soigneusement analysés pour vérifier la reproduction effective de toute la surface disponible pour supporter la charge des futures prothèses.
Nous passons ensuite au tracé des limites des porte-empreintes individuels sur les modèles, en tenant compte à la fois des repères anatomiques et de la dynamique des muscles présente lors de la fonction (8).
Ensuite, les zones de contre dépouille sont déchargées avec de la cire, puis nous passons à la phase proprement dite de construction des porte-empreintes individuels. En fonction de la technique et du matériau utilisés par le praticien pour l’empreinte secondaire, le prothésiste dentaire construira les porte-empreintes ajustés au modèle ou espacés, après avoir placé une épaisseur de cire sur le modèle (7).
Dans ce second cas, le prothésiste devra également créer des butées tissulaires dans les porte-empreintes et pourra décider dans quelles zones décharger la cire, en tenant compte de la pression à exercer avec les différents porte-empreintes sur les tissus du patient.
La construction des porte-empreintes implique l’application d’une pâte à base de résine et de plâtre sur les modèles puis selon le tracé réalisé, la pose et la découpe d’une épaisseur de résine auto-polymérisable ou photo-polymérisable.
Le prothésiste termine ensuite les bases, en réduisant l’épaisseur des bords du porte-empreinte dans les zones où cela est nécessaire, et applique la poignée et les supports de manière à ne pas interférer avec l’activité musculaire qui sera enregistrée au moment de la prise d’empreinte finale.
Modèles-master et plaques d’enregistrement et des bourrelets
La deuxième phase technique a lieu après la réception des empreintes fonctionnelles. Elle consiste à réaliser les maîtres-master et à construire les plaques d’enregistrement et les bourrelets.
Les empreintes définitives sont développées après le boxage, soit avec de la cire, soit avec d’autres matériaux, comme un coffrage en aluminium et de l’alginate (9).
Les empreintes sont ensuite coulées avec du plâtre de type 4, un plâtre extra-dur adapté à la coulée des maîtres-master, elles sont équarries, de manière que la base des modèles soit parallèle aux surfaces occlusales des crêtes. Les modèles sont ensuite terminés pour enfin passer à la construction des plaques de base en résine auto-polymérisable avec des bourrelets en cire.
Afin de délimiter la zone post dam des futures prothèses, le prothésiste créera également une dépression dans le plâtre afin d’augmenter la présence active du joint dans cette zone de la prothèse, ainsi qu’au niveau des limites périphériques.
Le prothésiste découpe ensuite la résine souple, aussi bien auto-polymérisable que photo-polymérisable, qui formera la base des bourrelets d’occlusion. Au-dessus des bases, les bourrelets sont réalisés en enroulant une couche de cire chauffée jusqu’à l’obtention d’une forme quadrangulaire d’une épaisseur de 6 mm dans le secteur antérieur et de 10 mm dans le secteur postérieur (pour les deux arcades).
Il convient d’ajouter que la hauteur des bourrelets depuis la partie la plus haute/profonde du profil d’émergence vestibulaire jusqu’au plan occlusal doit être de 22 mm pour la supérieure et de 18 mm pour l’inférieure (7). Le plan occlusal de chacun d’eux doit être parallèle au plan horizontal de la base du modèle équarri, lui-même parallèle à la crête alvéolaire.
Remontage des modèles en articulateur et montage des dents sur les bourrelets
Une fois les bourrelets testés et remis au praticien, les modèles doivent être remontés en articulateur avec la nouvelle dimension verticale et la relation centrée établie cliniquement.
Une fois les modèles remontés en articulateur, le prothésiste procède au montage des dents sur les bourrelets, en commençant par les dents antérieures et en suivant les marques laissées par le praticien dans le bourrelet pour réaliser le positionnement esthétique. Ici, le prothésiste doit respecter les rapports conventionnels de supraclusion verticale et horizontale entre les dents antérieures supérieures et inférieures (10,11).
Il sera alors important de vérifier pour le positionnement des dents diatoriques que leur position et leur angulation correspondent au tracé des crêtes alvéolaires, dans le but de favoriser la stabilité de la prothèse en phase de mastication (12,13).
Dans certains cas, la résorption osseuse chez le patient édenté peut entraîner un décalage important entre les maxillaires, le prothésiste, en accord avec le praticien, peut alors également décider d’un montage postérieur en croisé (12,13).
Fabrication de la prothèse complète
Une fois la phase d’évaluation clinique du montage des dents terminée et le consentement du patient obtenu, on peut passer à la phase de fabrication de la prothèse complète.
Si l’on opte pour la pratique analogique, les techniques traditionnelles consistent à placer la prothèse dans une moufle et à polymériser à chaud ou à froid la résine rose du corps prothétique (14).
Si, au contraire, on privilégie les nouvelles technologies numériques pour éviter la rétraction de la polymérisation, le prothésiste peut décider de scanner les plaques d’enregistrement avec les dents pour obtenir un fichier STL et passer ensuite à la fabrication des bases prothétiques par fraisage (15,16).
Conclusions
En résumé, la conception et la fabrication d’une prothèse amovible complète représentent un processus complexe de collaboration entre le praticien et le prothésiste dentaire.
Les neuf étapes impliquées soulignent l’importance de la précision anatomo-fonctionnelle et de la communication continue entre les professionnels de santé. Chaque étape exige une attention méticuleuse aux détails et l’expérience dans ces cas joue souvent un rôle fondamental.
Le recours aux technologies numériques émergentes offre de nouvelles perspectives, mais à ce jour, les technologies analogiques restent la référence pour les patients édentés.
En définitive, le succès de cette procédure complexe repose sur la compétence et la collaboration synergique entre le praticien et le prothésiste dentaire pour fournir au patient une solution prothétique impeccable.
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Bibliographie
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